vendredi 13 février 2015

GROENLAND 2010 et 2011

Le souvenir de ces deux randonnées est toujours aussi vivace. Et l'envie de retourner au Groenland devient de plus en plus forte...

Voici le compte rendu de ces deux séjours mis en ligne sur le site de Nérée.
http://www.neree.org/neree02/index.php?option=com_content&view=featured&Itemid=17#



Sud Groenland 2010 en kayaks de mer monoplaces

Plusieurs mois se sont écoulés depuis notre raid en kayak dans le sud du Groenland.
Pourtant les images, sont toujours présentes. C’est un voyage qui met du temps à se dissiper et au moment où il faut s’interroger sur les prochaines vacances, l’ambiance attachante de ce pays atypique refait surface.

Il est difficile d’oublier ces 24 jours, pratiquement seuls, dans une nature souvent vierge de tout signe de civilisation. Ce ne fut pas un exploit sportif, mais parfois les tâches quotidiennes répétitives demandaient une énergie importante. Navigation, portage, manutention, montage du campement, préparation de l’eau chaude, des repas ; ce n’est pas toujours simple quand il fait froid, qu’il y a du vent et que le réchaud demande une attention  particulière pour daigner fonctionner.
La préparation du voyage est un moment clé. Tout est passé en revue à maintes reprises.
Le transfert est certainement plus aisé, et moins cher !, par l’Islande. La ville de Reykjavik est une capitale de poupée, à dimension humaine et c’est un plaisir d’y faire une halte même de quelques heures.
La location des kayaks de mer a été facilitée par la présence à Narsasuaq, une ancienne base américaine transformée en aéroport international, d’un Français qui gère une société de transport et de location de kayak : Blue Ice. (http://www.blueice.gl/fransk/index_fr.html)
Jacky Simoud nous à mis à disposition 2 Seayaks de Prijon, il s’est occupé de notre transfert en bateau à Narsaq point de départ de notre raid. Il nous a également réservé, pour notre retour,  2 nuits à son auberge de jeunesse. Il a été amical, ouvert et professionnel à notre encontre. Il nous a été d’un soutien sans faille.
Pour établir notre parcours, Google earth fut bien sur d’une grande utilité, les informations glanées sur le net ont fait le reste.
Notre objectif a été rapidement arrêté : prendre le temps, ne pas se donner de contraintes trop fortes, rencontrer la glace sous toutes ses formes, aller jusqu'au village de Quassimiut, situé totalement en dehors des circuits touristiques classiques, pour espérer des rencontres avec les groenlandais. Rendre au kayak sa raison d’être : le seul moyen de transport autonome pour parcourir à notre rythme ce pays.
Il a fallu préparer le matériel :
- Trouver une combinaison étanche. Nous avons choisi le modèle Expé de Kokatat. Nous n’avons pas eu à regretter ce choix. Ce fut notre 2° peau durant la navigation mais nous l’avons également beaucoup utilisé le matin et le soir lors du montage de la tente, des portages quotidiens du matériel.
- Se perfectionner au maniement du GPS, trouver des cartes marines, programmer un itinéraire et prévoir des plans B.
- S’occuper de l’intendance, imaginer les repas, se renseigner sur les approvisionnements possibles. Être inventif pour ne pas se lasser, faire de chaque repas un moment de réconfort, de détente en recherchant toujours la variété et le plaisir de manger. Cela a été le domaine de Jeanine qui a rempli sa mission de la plus belle manière. 2 envois (soit 15 kg) au préalable par Colissimo nous ont aidés à parfaire la diversité des plats.
Quels vêtements prendre ? Ni trop chaud, ni trop froid. Chaussures de montagne (car nous comptons monter sur l’inlandsis) ou bottes (car tout est spongieux) ? Je n’ai pas regretté mon choix de chaussures de montagne et Jeanine est persuadée que son choix pour les bottes était le meilleur !! Nous sommes donc ravis de nos choix respectifs….
Et puis le grand jour, tant attendu est arrivé.
Je vous passe ma peur viscérale de l’avion, des liaisons exténuantes à traîner nos 30 kilos de bagages dans les dédales des aéroports.
De l’avion nous découvrons avec un peu d’appréhension notre terrain de jeu…Il y a bien de la glace de partout !!!

Les photos de nos « Picasa » respectifs décrivent, bien mieux qu’un texte, le déroulement de cette randonnée.
http://picasaweb.google.com/boutjeanine/Groenland2010RaidEnKayakDeMer
http://picasaweb.google.com/patrickderoide/Groenland2010#

Chaque jour a apporté son lot d’émerveillement.
Toutes les journées ont été intenses. Certaines étapes  pouvaient sur le papier être fastidieuses. Il n’en a rien été. Toujours une nouveauté, un étonnement, un plaisir à partager.
Il faut quand même insister sur cette Présence permanente durant tout le séjour.
Je veux parler de la Glace sous toutes ses formes.
Je la comparerai bien volontiers au feu de bois.
Vivante, jamais la même, toujours en mouvement, amicale et bruyante, parfois un grondement, un coup de fusil ou un simple pétillement pour les plus petits. Le paysage évolue constamment au rythme des fractures des icebergs, des courants, de la marée et du vent.
Au fil des jours se crée une véritable fascination et un respect profond pour cette glace si ancienne qui fond inexorablement et que nous buvons régulièrement. Nous avons le privilège d’assister au signe le plus visible d’une mutation irréversible du climat.
Le Groenland est en première ligne du bouleversement mondial qui nous affectera tous.
Ce voyage n’aurait pas été aussi intense sans la chaleur de ses habitants.
Les rencontres - de la plus brève, le salut amical du pêcheur croisé sur l’eau, à l’invitation de Martin à partager un Kafemik dans sa maison - nous ont fait découvrir des groenlandais affables, curieux  et souriants, toujours prêts à nous aider. Je crois que ces émotions partagées ont donné le vrai sens à ce voyage.
Merci a toi, Jeanine, de m’avoir aidé à réaliser mon rêve d’enfance.
Le principal danger de ce raid est dû au luxe de la solitude primitive…
Pas de téléphone portable, ni de prévisions météo. Tout doit se faire à l’instinct, avec prudence et une grande marge de sécurité. Chaque geste compte….
Non le plus grand risque de ce voyage est celui d’avoir l’envie irrépressible d’y retourner au plus vite…

Patrick Deroide
Ps : le budget pour ces 5 semaines : 2 600 € par personne (transport, location, transfert, hébergement  et nourriture) sans compter le matériel acheté pour l’occasion.



Ne perdons pas le Nord ! Groenland 2011
  
Après notre périple de 2010, nous poursuivons une nouvelle fois l’aventure dans ce pays si attachant où l’hospitalité des habitants contraste avec des conditions naturelles souvent très rudes.
Le programme de ce mois de juillet 2011 : relier Arsuk à Narsarsuaq en kayak de mer, toujours dans le Sud du Groenland.
groelnad2011
 
Arsuk est un village de 190 habitants ne disposant pas de véritable port. Les bateaux de la compagnie Artic Umiaq Line, assurent une liaison hebdomadaire. Les transferts des passagers (et de nos kayaks), entre le bateau et le ponton du village, se font par navettes.
Narsarsuaq est le siège de l’aéroport international que nous rejoignons via l’Islande. Sur notre trajet les villages d’Igvitut, Qassimiut et Narsaq ont permis contacts et compléments de ravitaillement.
Malgré notre habitude de mener à bien de tels projets, cela demande beaucoup d’énergie pour organiser une telle aventure. 25 jours de navigation en autonomie presque totale.
Afin d’améliorer le quotidien, 3 colis de nourriture ont été envoyés (21 kilos) au préalable. De part sa fiabilité, nous avons fait de nouveau appel à Jacky Simoud de Blueice (www.blueice.gl.) pour la location des kayaks de mer et le transfert à Narsaq d’où nous prendrons le bateau Sarfaq Ittuk afin de rejoindre Arsuk.
De là, 350 km de navigation au gré de nos envies, des rencontres, et de la météo pas toujours clémente cette année.
Cette aventure humaine a été marquée par :

Les rencontres

Notre expérience de l’année dernière et paradoxalement le mauvais temps ont certainement facilité les rencontres. L’accueil des Groenlandais n’a jamais failli. Vous passez dans l’unique rue du village et vous êtes interpellé pour venir partager un Kafemik. (Invitation à prendre un café, un thé et quelques gâteaux) Et vous voila reçus dans une maison confortable. Bien sûr vous avez pris le soin au préalable de vous déchausser et de vous dévêtir un peu car les intérieurs des maisons groenlandaises sont souvent surchauffés. Ces invitations sont un moment d’échanges et de convivialité.
Après 10 jours de raid dans de mauvaises conditions météo, nous arrivons à Qassimiut encerclé par le pack de glace et sous une pluie battante .Nous voyant chercher un emplacement pour la tente, un habitant est venu à notre rencontre et nous propose d’occuper une maison dont le propriétaire est absent. Ce véritable cadeau est arrivé au bon moment, nous avions besoin d’un peu de repos, d’une douche bien chaude et d’être au sec…Voila un bel exemple de cette spontanéité et cette générosité rencontrées tout au long de ce périple. Cette année, nous avons apprécié dans chaque village la maison commune. Accessible à tous elle offre la possibilité pour quelques couronnes danoises de se doucher, et de laver son linge. Ces villages ne possédant pas l’eau courante dans les maisons, c’est un service indispensable pour les habitants.
Certaines rencontres même si elles ont été éphémères ont été très fortes en émotion. Je pense en particulier aux quelques heures passées avec Carolina et Jimmi dans la base militaire de GrØnnedal.
La rencontre à Narsaq avec Pierre Auzias, skipper de l’AVANNAQ un très beau voilier de 11 m, Bertrand Lozay réalisateur, et Christophe a été également un temps fort. Nous avons passé une soirée bien agréable dans le carré du bateau, chacun ayant amené quelque chose pour le diner. Ce sont des personnalités attachantes. Encore de belles expériences à partager. De telles rencontres enrichissent ce séjour.
Les enfants au Groenland font partie intégrante du paysage. D’une gaieté permanente, dehors par tous les temps, ils jouent souvent ensembles. Curieux, ils cherchent le contact, pour notre plus grand plaisir.
J’allais presque oublier, la cerise sur le gâteau !!, le passage de la reine du Danemark à Narsaq. C’est l’Evènement du village. A 10h du matin ce dimanche 24 juillet toute la population rejoint le petit port. Des jeunes, des vieux. Certains en habits traditionnels, d’autres habillés normalement. Avec un protocole réduit au strict minimum, elle descend à l’heure prévue de son yacht royal le Dannebrog accompagnée de son mari le prince consort Henrik un Français bien de chez nous. Nous sommes aux premières loges pour ne pas rater ce paradoxe ; la ferveur des Groenlandais pour la famille royale tout en se prévalant d’une indépendance toute neuve.

La banquise

La rencontre avec le pack a également été une nouveauté cette année. Le pack c’est de la banquise dérivante, plus ou moins importante, morcelée. C’est un vaste champ de glaces ou plutôt un chant de glaces. A l’approche du village de Qassimiut, nous l’avons entendu bien avant de le voir. Une sorte de grondement sourd lié au mouvement de la glace sous l’effet de la houle et du vent. Une fois au contact, après avoir évalué la situation, il faut se frayer un passage le plus sécurisé possible. C’est une expérience unique, envoutante, épuisante … De même l’émotion devant la beauté des icebergs ne faiblit pas, bien au contraire.

Les animaux

Les bœufs musqués ont été introduits il y a quelques décennies dans ce secteur du Groenland. Ils sont en totale liberté. Leur population croit rapidement car il est bien adapté au climat arctique. Malgré son aspect de bovin, c’est en fait un capriné de souches primitives. Il vit en groupe.
C’est un vrai plaisir de contempler ces animaux quasiment préhistoriques. Ils se sont montrés craintifs et curieux à notre endroit. Mais nous n’avons jamais cherché à approcher de trop près ces mammifères herbivores…
Prudence !
Les rennes, nous ont fait notre plus beau cadeau. Profiter d’un rassemblement d’une centaine de têtes durant une demi-journée entière, c’est une situation enivrante et totalement inoubliable.
L’ours polaire ? Quelques uns trainent épisodiquement dans le secteur… Nous n’en avons pas rencontré, Ils doivent préférer de la viande moins coriace que celle d’un vieux kayakiste. C’est sur la base de ce postulat que j’ai dormi sur mes 2 oreilles (et surtout parce que j’étais souvent cuit !...).

L’avenir du Groenland ?

Le Groenland, dont la population avoisine les 55 000 habitants, est aujourd’hui à la croisée d’enjeux climatiques et de convoitises économiques. L’ouverture programmée de la voie maritime Nord Sud, le potentiel en minéraux rares attisent les appétits sur ce pays plus facile d’accès et qui regorge de réserves d’hydrocarbures. A notre niveau nous avons remarqué que la survie des petits villages semble compromise. Ainsi par exemple le village de Qassimiut possédait une école l’année dernière, cette année, faute d’instituteur pour ce poste, l’école a du être fermée. Nous en voyons déjà les conséquences sur la vitalité du village. Beaucoup de maisons se délabrent. Nous n’avions pas eu ce sentiment de déclin l’année dernière. Par ailleurs, faute de poisson et de débouchés, les pêcheries ferment une à une… Néanmoins, l’énergie de ce pays tout neuf est un signe positif pour faire entrer les Inuits dans l’aire de la modernité dans le respect du développement durable. Puissent-ils un jour nous donner des leçons dans ce domaine.

Et le kayak dans tout ça ?

Le kayak est un moyen de locomotion formidablement adapté à ce pays sans infrastructures. Il nous donne l’indépendance et favorise l’accueil plus chaleureux de la part des Groenlandais. Rien de plus excitant que de partir pour 25 jours en autonomie presque totale. Etre humble face aux éléments, se fondre dans le paysage, voila un des atouts de ce formidable outil inventé par les Inuits il y a près de 4000 ans.
Ce fut une belle tranche de vie.

Album Photos n°1
Album photos n°2